Le 15 mai, le journal guatémaltèque «elPeriódico» a fermé ses portes après «287 jours de résistance» à la persécution et au harcèlement des autorités gouvernementales dans le but de noyer financièrement «elPeriódico», a expliqué le journal dans un communiqué publié quelques jours avant la fermeture.
Son directeur, le journaliste José Rubén Zamora, est en prison depuis le 29 juillet 2022, pour blanchiment d’argent, chantage et trafic d’influence. Selon un rapport du journal espagnol El País , » … l’affaire est basée sur une plainte déposée par l’ancien banquier Ronald Giovanni García Navarijo, qui accuse Zamora de chantage et de tentative présumée de le forcer à blanchir 300 000 quetzales, soit environ 38 000 dollars». Cependant, le journaliste a déclaré que l’argent avait été obtenu légalement de «… la vente d’un tableau pour financer elPeriódico.»
La pression contre les médias est venue de la publication de plus de 200 enquêtes qui ont révélé des cas de corruption perpétrés par des fonctionnaires du gouvernement du président Alejandro Giammattei, comme, pour ne citer que quelques exemples, l’achat irrégulier de vaccins contre le Covid19 ou des concessions minières aux entreprises russes.
Depuis sa fondation en 1996, « elPeriodico » a un profil d’investigation et culturel clair, ce que Zamora a rappelé de sa prison, ce 15 mai, dans le dernier éditorial qu’il a publié dans son propre média :
« Bartolina # 2, section isolée, prison de Mariscal Zavala.
« Trente ans de lutte inlassable contre la corruption, l’impunité et le trafic de « drogue, contre les abus de pouvoir, le terrorisme d’État, la marginalisation « et la misère, en faveur de la liberté, de la tolérance et de l’indispensable « responsabilité, du pluralisme politique, de la qualité de la dépense « publique, de l’investissement public dans les infrastructures stratégiques , « l’équilibre fiscal également essentiel, une lutte qui s’est d’ailleurs déroulée « au milieu de la marginalité et de la solitude, dans un contexte de « polarisation et de régression politique vers un fascisme tyrannique, « anachronique et multipartisan, ils nous ont conduits, épuisés et sous-« capitalisés, certains en prison et d’autres en exil, par une impasse : « l’inévitable fermeture d’elPeriódico…»
L’Amérique centrale est confrontée à une véritable crise autoritaire qui se traduit de plus en plus par des politiques étatiques intolérantes contre le journalisme critique et d’investigation. Le Nicaragua représente le cas le plus extrême de la région, où il n’y a pas de médias indépendants et où tous les journalistes sont en exil. Pendant ce temps, le gouvernement de Nayib Bukele au Salvador entretient un discours de confrontation avec la presse, en particulier contre le média numérique El Faro, qui a été contraint de déplacer son siège administratif au Costa Rica pour éviter de futures représailles du gouvernement. De nombreux opposants au Guatemala craignent que le pays ne devienne un «Nicaragua 2.0».