Pourquoi la guerre va continuer
Fecha: 8 marzo, 2023
Guerra en Ucrania: Si Rusia para la guerra, habrá paz. Si Ucrania deja de  luchar, desaparecerá | El Mundo | DW | 04.11.2022

Par RICHARD HAASS

MUNICH – Au cours de l’année qui s’est écoulée depuis que la Russie a lancé son invasion à grande échelle de l’Ukraine, la guerre a évolué d’une manière très peu prévisible. La sagesse conventionnelle prévoyait que les forces russes submergeraient rapidement les Ukrainiens, dépassés para l´importance de l´armée de Poutine, et que celui-ci prendraient possession de beaucoup plus de territoires qu’ils n’en avaient gagné en 2014. D’autres sont allés plus loin, prédisant que la Russie renverserait le gouvernement de Kiev et le remplacerait par un régime fantoche qui soutiendrait la Russie et qu´appuierai le contrôle russe et la volonté de ne plus incarner une alternative d’”apparence occidentale” devant la morosité qu’est devenue la Russie de Vladimir Poutine.
Face à des prévisions aussi sombres, beaucoup en Occident et en Ukraine, auraient facilement accepté une version de ce qui existe aujourd’hui, à savoir; une Ukraine souveraine exerçant son autorité sur environ 80 % de son territoire. Que cette situation ressemble beaucoup  a la réalité actuelle, c´est un hommage à l’efficacité de l’armée ukrainienne, au courage collectif du peuple ukrainien et de ses dirigeants, et à la fermeté du soutien américain et européen sous forme d’armes, d’argent, d’entraînement, de renseignement et de l’acceptation de millions de réfugiés. C’est aussi une mise en accusation stupéfiante de l’armée russe.

Poutine est confronté à des choix difficiles alors qu’il envisage une guerre qui ne s’est pas déroulée comme prévu. Sa décision d’envahir n’était pas irrationnelle, étant donné qu’il supposait que l’Ukraine ne serait pas à la hauteur de son armée, que l’Europe (en particulier l’Allemagne) était trop dépendante du gaz russe pour lui tenir tête et que les États-Unis, après le 6 janvier et après l’Afghanistan, était trop divisé et replié sur lui-même pour aider à la défense de l’Ukraine. Mais, parce que toutes ces hypothèses se sont avérées fausses, le calcul de Poutine selon lequel les avantages de l’invasion éclipseraient les coûts est devenu une formule désastreuse.

Poutine se retrouve, maintenant, obligé à gagner du temps. Incapable de vaincre l’armée ukrainienne, il attaque des cibles économiques et civiles, dans l’espoir de briser la volonté des Ukrainiens. Il peut également croire que, malgré ce que disent les dirigeants occidentaux, ce n’est qu’une question de temps avant que les gouvernements européens, ainsi que les États-Unis, repensent les coûts du soutien à l’Ukraine.

Alors, qu’est-ce que cela augure pour l’avenir ? Les guerres se terminent de deux manières : lorsqu’une partie bat l’autre et est en mesure d’imposer ses conditions de paix, ou lorsque les deux parties concluent que le compromis est préférable à la poursuite d’une guerre, aucune n’est assez forte pour gagner.

Aucune de ces conditions ne s’applique à cette guerre à partir de maintenant. Certes, il est loin d’être clair que l’Ukraine puisse expulser la Russie de son territoire, même si les gouvernements occidentaux abandonnent leurs inhibitions et fournissent à l’Ukraine des armes plus avancées. Les forces russes sont retranchées et seront difficiles à déloger. Et il est possible, voire probable, que la Chine fournisse une aide économique et militaire abondante à la Russie, plutôt que de voir son partenaire stratégique vaincu par une coalition dirigée par les États-Unis.

Et les forces russes, pour leur part, sont tout simplement trop mal entraînées et amenées à vaincre l’Ukraine sur le champ de bataille. Les attaques aériennes contre des zones civiles, aussi brutales et coûteuses soient-elles, ne remplacent pas le succès sur le champ de bataille et, jusqu’à présent, n’ont fait que renforcer la détermination du peuple ukrainien.

Et pourtant, les perspectives de compromis sont sombres. Poutine semble déterminé à maintenir le cap, de peur que la défaite perçue en Ukraine ne stimule les efforts de ses rivaux nationaux pour le destituer du pouvoir. Les sanctions n’ont eu qu’un effet limité, car l’Inde, la Chine et d’autres continuent d’acheter de l’énergie russe.

Et Poutine contrôle le récit politique chez lui, persuadant beaucoup que la Russie est une victime, forcée par les États-Unis et l’OTAN à se battre pour sa survie contre l’Occident dans son ensemble.

L’Ukraine, elle aussi, n’est pas enclinée à faire des compromis. Presque tous les Ukrainiens appellent à la libération complète du territoire de leur pays. La raison est simple : la guerre a fait changer les mentalités. Les prouesses militaires de l’Ukraine et les lacunes manifestes de l’armée russe ont nourri plus qu’un peu d’optimisme stratégique quant à ce que l’avenir pourrait nous réserver.

En plus, la guerre a endurci les cœurs. Les atrocités russes, notamment le bombardement d’immeubles d’habitation et l’exécution de civils, ont conduit à des appels à des réparations et à des tribunaux pour crimes de guerre. Certains ajouteraient à cette liste le retrait de Poutine et de son entourage du pouvoir, un résultat considéré par beaucoup comme essentiel si l’Ukraine veut un jour avoir confiance dans un règlement de paix.

Bref, les conditions sont loin d’être réunies pour la diplomatie. Un jour, cela changera, mais ce jour semble bien loin. La bonne nouvelle (s’il y en a une) est que la guerre pourrait bien devenir moins intense car les deux parties sont confrontées à la difficulté de supporter l’ampleur des pertes qu’elles ont subies l’année dernière. Ils manquent simplement de main-d’œuvre, d’équipement et de ressources économiques pour le faire.

Il semble également peu probable que la Russie opte pour l’escalade. Attaquer l’OTAN n’a aucun sens quand il est manifestement clair que la Russie ne peut même pas vaincre l’Ukraine. Les armes nucléaires semblent n’avoir que peu ou pas de valeur militaire, et la Chine et l’Inde ont clairement exprimé leur opposition à leur utilisation. Plus important encore, l’utilisation par la Russie d’armes nucléaires de tout type amènerait presque certainement les troupes américaines et de l’OTAN directement dans la guerre.

La mauvaise nouvelle, cependant, est que la guerre ne se terminera pas de si tôt. La carte de l’Ukraine dans un an ne ressemblera probablement à rien de plus que la carte telle qu’elle apparaît aujourd’hui. L’année à venir promet d’être sombre, pas décisive – rappelant davantage la Première Guerre mondiale que la Seconde Guerre mondiale.

Tout cela s’ajoute à un anniversaire important et qui donne à réfléchir. Une guerre que très peu de personnes s’attendaient à qu´elle dure aussi longtemps, pourrait bien déclencher une autre série de commémorations et d’analyses dans un an.

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RICHARD HAASS

Richard Haass, président du Council on Foreign Relations, directeur de la planification politique du département d’État américain (2001-2003) et a été l’envoyé spécial du président George W. Bush en Irlande du Nord et coordinateur pour l’avenir de l’Afghanistan. Il est l’auteur, plus récemment, de “The Bill of Obligations: The Ten Habits of Good Citizens”. (Penguin Press, 2023).

*Publié dans «Project Syndicate».

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